Ce matin, un passage express sur LinkedIn m’a laissé un goût amer. Il mène à un lien vers un article de L’Humanité, titré “Travail gratuit : le fléau des femmes entrepreneuses”. Depuis quelques mois, le débat autour du terme "mumpreneur" est de plus en plus vif dans les médias (comme sur Le Monde, Welcome to the Jungle).
Certains experts RH et podcasteuses le trouvent misogyne et réducteur, cantonnant les femmes au foyer avec une pseudo-activité professionnelle.
Pourtant, cette vision mérite d'être nuancée. Ce qui me dérange dans ces articles, c'est qu'ils présentent un seul point de vue, n'interrogeant que des mumpreneurs rencontrant des difficultés économiques. Pourtant, de nombreuses femmes trouvent dans cette flexibilité une véritable bouffée d'oxygène, essentielle pour leur épanouissement personnel et familial, et en plus, gagnent bien leur vie ! Dans cette tribune, je souhaite partager mon avis et mon expérience de Mumpreneur depuis 5 ans (et fière de l'être).
Le terme "mumpreneur" : une réalité multiple
Le terme "mumpreneur" désigne les mères entrepreneuses qui jonglent habilement entre responsabilités familiales et professionnelles. Souvent, elles décident de créer leur entreprise après être devenues maman, ou pendant leur grossesse.
Alors pourquoi on devient mompreneur ?
On le sait : la période de la maternité, la paternité (la parentalité en général) est une période de la vie qui nécessite de nombreux ajustements, qu’ils soient personnels, en couple, en famille, ou professionnels. On sait aussi que c'est une période où la santé physique et mentale peuvent être mises à rude épreuve.
Après avoir échangé avec des centaines de mamans freelances, j'ai souvent fait le même constat, ce choix était souvent un non choix, ou plutôt un choix de s'en sortir malgré l'adversité :
Un employeur discriminant qui fait payer le “délit de maternité”
Un licenciement abusif
Une situation familiale complexe
Des problèmes de santé (des enfants ou de soi-même) nécessitant une activité à temps choisi
Un emploi avec des horaires atypiques
Aucun mode de garde disponible (Selon un rapport de la DREES en 2024, dans 18 % des couples avec un enfant de moins de 3 ans, les parents gardent eux-mêmes leur enfant le plus jeune alors que leur premier choix était une solution d’accueil extérieure).
Une recherche d’emploi initiée mais ne permettant pas de trouver un emploi dans sa région…
Un co-parent ayant une carrière à l’international qui sera muté tous les 2 ans, ou très souvent en long déplacement.
Beaucoup se lancent parce que la société ne leur laisse pas le choix. Elles décident d’entreprendre pour pallier ces injustices, ces inégalités ou ces défaillances étatiques.
Alors pourquoi vouloir invisibiliser ces problèmes ? Au contraire, les mumpreneurs en parlent, avancent, essayent de se relever les manches et trouver des solutions pour continuer d’avancer !
Pourquoi est-ce qu'une femme en arrive à se revendiquer Mumpreneur ?
La question est maintenant de savoir pourquoi souhaite-t-elle se définir comme tel ?
En général, une femme entrepreneuse commence à se renseigner sur le sujet des mumpreneur pour rejoindre un réseau, trouver des métiers compatibles avec leurs contraintes, attirer d’autres mamans entrepreneures sur les réseaux sociaux pour se soutenir entre elles. Créer une communauté en somme ! Comme il en existe tant d’autres.
Certaines mumpreneurs souhaitent donc arborer fièrement ce nom, qui représente leur choix et leur parcours, mais sera aussi une source d’entraide.
D’autres entrepreneurs ne souhaitent absolument pas être associés à leur paternité ou leur maternité, ce qui est également compréhensible, car ils ou elles ne se reconnaissent pas dans ce mouvement.
Pour autant, chaque choix mérite d’être respecté.
L’article de Welcome to the Jungle titré "Pourquoi il faut en finir avec le terme Mompreneur" est problématique dans le sens où il ne respecte pas la pluralité des parcours.
Non il ne faut pas en finir, cela ne convient peut-être pas à tout le monde, mais si cela fait du bien à certaines entrepreneures de se sentir soutenue par d’autres mamans entrepreneures, laissons-les vivre ! Non, il ne faut pas en finir !
Dire que la maternité et la parentalité ne viennent pas interférer dans la sphère professionnelle serait un mensonge ! Toutes les entreprises parlent de parentalité, organisent des ateliers ou des conférences… être parent bouleverse, et l’entreprise a un rôle à jouer pour rassurer, encourager, aider, faire évoluer ses salariés pendant cette période.
Alors, oui il faut continuer à faire vivre des role model de femmes et d’hommes qui accordent une place importante dans leur vie à leur parentalité, qui en parlent, qui montrent qu’il est possible d’avoir une belle carrière, d’entreprendre, de bien gagner sa vie, tout en étant un parent engagé et épanoui.
Pourquoi est-ce que les hommes ne portent pas autant ces responsabilités ?
En voilà une bonne question ! 🙃 Venons-en à parler des hommes, ou des co-parents de ces fameuses mumpreneurs. Statistiquement, c’est vrai, ce sont souvent les femmes qui font le choix de cesser ou de ralentir leur activité professionnelle. En cause ? La société patriarcale dans laquelle nous vivons et qui laisse malheureusement des traces bien ancrées, dans les esprits de chacun…
Selon une étude de la DREES en 2024, 31 % des mères n’occupent pas un emploi à temps plein pour des raisons liées aux enfants, contre 5 % des pères. D’une part, beaucoup plus de mères que de pères déclarent être sans emploi pour des raisons liées aux enfants : 16 % contre 4 % pour les pères parmi l’ensemble des couples. D’autre part, les mères sont beaucoup plus souvent à temps partiel pour une raison principalement liée aux enfants : 15 % contre 1 % des pères.
Ces rôles traditionnels, où la femme est perçue comme devant s’occuper des enfants et faire fonctionner le foyer tandis que l’homme fait bouillir la marmite, sont désuets. Pour autant, être présent et s'occuper de ses enfants reste essentiel.
Il est crucial de reconnaître que ces dynamiques sont profondément enracinées dans des normes sociales et culturelles qui doivent être interrogées et réformées.
D’autre part, même si c’est un phénomène moins visible, les dadpreneurs existent aussi ! On retrouve un très beau témoignage de Mathieu sur le blog de Livementor, Patrick Bonfy en parle souvent sur son blog, Papaplume ou et le podcast Papapreneur offre aux papa-entrepreneur de nouvelles perspectives.
En valorisant équitablement les rôles parentaux, nous pourrions avancer vers une société où les responsabilités et les opportunités sont véritablement partagées. L'objectif est d'avoir autant de mumpreneurs que de dadpreneurs qui se revendiquent comme tel, qui portent les sujets importants sur la table et tapent du poing pour que la société évolue dans un sens à la fois d’égalité, mais aussi de solutions concrètes pour pouvoir vivre une parentalité épanouie ensemble.
Comme l’égalité des sexes, c’est un débat qui s’invite dans la sphèque publique, privée et familale.
L'égalité des sexes et l'entrepreneuriat féminin sont des sujets qui s'invitent dans toutes les sphères de nos vies.
Maintenant, soyons honnêtes, comme nous l’avons déjà dit dans d’autres articles.
Être mumpreneur ne signifie pas endosser seule toutes les responsabilités familiales, comme les rendez-vous médicaux ou les tâches ménagères. On va arrêter direct le mythe de la Wonder Woman qui gère tout d'une main de maître !
Avant de se lancer dans un projet de création d’entreprise en rapport avec sa parentalité, il faut définir des règles très claires : quel temps de travail est nécessaire, sur une semaine, sur l’année. Qui s’occupe de quelles tâches parentales ou à la maison. Il est possible de réajuster cette organisation si l’un des membres de la petite entreprise familiale n’y trouve plus son compte.
Il est évident que si vous souhaitez développer votre entreprise 4 jours par semaine, hors vacances scolaires, de 9h30 à 16h, vous n’obtiendrez pas le même chiffre d’affaires et rémunération que si vous y consacrez 45h par semaine avec 15 jours de congé par an. Sauf si vous êtes d’une rapidité fulgurante… mais bon, cela semble peu probable.
Il est donc possible que vous contribuiez moins aux charges du foyer que votre co-parent. Ce n’est pas un drame en soi, c’est un choix. Certains seront à l’aise avec ce choix, d’autres non. 🙅🏼♀️
Vous pouvez aussi être mompreneur et travailler autant de temps que votre conjoint, ou même plus ! 🕤 Vous définissez ensemble vos propres règles et vous composez avec, pour votre bien-être, avant tout, celui de votre couple et celui de vos enfants.
Mumpreneur, entrepreneuse, femme au foyer, ou salariée, la question centrale, c'est surtout de bien choisir son conjoint et d'avoir du soutien.
Un partenaire qui vous respecte, croit en vous et votre projet, vous soutient et vous encourage dans cette merveilleuse aventure qu'est l'entrepreneuriat sera votre premier atout pour réussir en tant que Mumpreneur. 💪🏼
Ce soutien est essentiel pour équilibrer vie professionnelle et personnelle et garantir le succès de votre entreprise.
Et surtout dans la parentalité comme dans tout, chacun a sa propre responsabilité de définir et de faire respecter ses propres conditions… mumpreneur ou non ! C'est un point-clé de notre article : les 10 commandements pour réussir en tant que mumpreneur.
La question cruciale : quelle rémunération ?
Alors dans ces articles, on nous balance un joli chiffre 😑: 48% des dirigeantes ne se rémunèrent pas du tout. Et un autre : 77% des entrepreneures de moins de trois ans gagnent moins de 1500€ par mois. Ces chiffres proviennent du Lab Bouge Ta Boite, une association très sympa, qui a mené une étude auprès de 504 femmes entrepreneures lors du Tour de France de l’entrepreneuriat féminin, entre le 19 septembre et le 10 octobre 2019, dans 11 villes.
Mais bon, calmons-nous. 🫢
Ces chiffres concernent les entrepreneuses en général, pas spécifiquement les mumpreneurs.
De plus, les femmes ayant participé à cet événement représentent-elles vraiment l'ensemble des entrepreneures ? Peut-être pas. On peut imaginer que ce public soit déjà biaisé, composé de femmes intéressées par ce type d'événements et d'initiatives.
Pour obtenir une statistique vraiment représentative, il serait plus judicieux de solliciter une véritable étude, réaliser une enquête nationale par un institut de sondage sérieux. Cela permettrait d'avoir une vision plus large et plus précise des conditions des femmes entrepreneures, et en particulier des mumpreneurs.
Il y a aussi beaucoup de femmes mumpreneurs qui gagnent bien ou très bien leurs vies. 💶
Et puis, ne tombons pas non plus dans le piège de croire que parce que certaines ne gagnent pas beaucoup, leur travail n'est pas sérieux et qu’elles ne méritent pas d’exister, qu’elles ne sont pas heureuses qu’elles sont forcément esclaves des tâches ménagères et de leurs enfants…?! 🧹
Les situations sont variées et la réalité du terrain est bien plus complexe.
Entreprendre, c’est complexe. Ce sont des risques, ce sont des rémunérations très faibles pendant longtemps. Et vous voulez un scoop ? Si personne n’avait jamais pris le risque d’entreprendre, personne n’aurait de travail aujourd’hui, la société qui vous a embauché comme salarié, bien en sécurité existe car un entrepreneur a pris un risque un jour, 🧗🏻♂️il a fait beaucoup de sacrifices et il s’est peut-être payé le SMIC pendant 3 ans. Ce n’est pas une honte, cela devrait être une fierté. Ne l’oublions pas. 🥹
Entreprendre en ayant beaucoup de responsabilités familiales demandera nécessairement plus de temps pour se rémunérer correctement. Et alors ? Est-ce un crime ? Est-ce un danger de vouloir entreprendre lentement, de vouloir faire les choses à son rythme ? On parle parfois de slowpreneuriat… Et oui, pourquoi pas ! Nous ne sommes pas tous câblés pour être dans les 40 under 40 et gérer une startup licorne ayant levé des fonds astronomiques, ou pour avoir comme ambition de se verser un salaire à 6 chiffres. 🚀
La course effrénée à l'hypercroissance n'est pas la seule voie vers le succès.
Entreprendre à notre manière, avec nos propres priorités, c'est aussi valable et souvent bien plus sain. 🧘♀️Certains trouvent plus d’épanouissement en ayant moins de revenus et plus de temps libre.
Il est impératif de promouvoir un modèle de travail flexible, rémunérateur et respectueux de tous les schémas, projets de vie et ambitions. 🙏🏼
Avant tout une question de respect et de sororité ?
Arf encore quelque chose qui m’a hérissé les poils dans ces articles… à quel moment un statut serait mieux qu’un autre ? 😆
Nier sa maternité ça fait plus pro ? C’est plus féministe ? Être femme au foyer c’est un outrage aux droits des femmes et aux combats de nos aînées 👵🏻 ? Être mumpreneur aussi ?
Personnellement, moi j'ai décidé de m'organiser comme ça, je ne travaille pas le mercredi et je vais chercher mes enfants tôt deux fois par semaine, mais je ne crache sur personne, et encore moins sur d’autres femmes…! ❤️🩹 On se bat toutes pour les mêmes causes : l’égalité, la liberté, l’autonomie des femmes.
J'ai un profond respect pour les femmes qui bossent 60h par semaine dans une société du CAC40. 💼
J’ai un profond respect pour les femmes au foyer 🏠
J’ai un profond respect pour l’auto-entrepreneuse qui se verse 800€ par mois mais qui continue d’avancer 💪🏼
J’ai un profond respect pour l’auto-entrepreneuse qui gagne 10k par mois (moins pour celle qui s’en vante sur LinkedIn haha) 😉
J’ai été profondément choquée par les messages de haines reçus par Melodie Maddar un véritable role model pour toutes les femmes entrepreneuses, qui s’est fait ouvertement critiquer car elle était enceinte de son troisième enfant et qu'elle travaillait dur. Et toutes ces critiques qui venaient d’autres femmes… hey mais venez on essaye de se soutenir au lieu de se critiquer 5 min ? 😘
On le sait, la maternité est souvent le moment où les inégalités entre hommes et femmes se creusent. D’où la naissance aussi de groupes d’entraide.
C'est pourquoi la sororité, ou solidarité féminine, est essentielle.
Ne pas juger pas les choix des autres femmes, c'est ça la vraie sororité !
En soutenant mutuellement leurs choix et en partageant leurs expériences, les femmes peuvent mieux traverser ces défis et revendiquer leur place dans le monde professionnel. La sororité sera toujours un puissant levier pour l'égalité. 🙌
Pourquoi faut-il faut arrêter ce tapage médiatique sur les mompreneur... qui ne font de mal à personne ?
Choisir d'aller chercher ses enfants à l'école et de passer du temps avec eux n'est pas un renoncement au féminisme. 🍼
Au contraire, c'est revendiquer le droit à une parentalité active.
Une mère qui s'implique dans la vie de ses enfants et fait de ce choix un pilier de son équilibre personnel ne devrait pas être vue comme rétrograde.
Moi, je me sens à la fois féministe, libre et heureuse dans ce modèle.
Même s'il comporte évidemment des contraintes et que la rémunération peut varier, ce qui compte, c'est de se sentir alignée à un instant T. 😎
Cela ne veut pas dire que ce modèle ne sera pas amené à évoluer dans 5 ans, 10 ans ou peu importe !
La liberté de choisir son mode de vie ne sera jamais réductrice.
Il est simplement crucial que ce choix soit soutenu par des conditions financières et familiales équitables.
Arrêtons de nous critiquer les unes les autres et de voir des choses réductrices partout. Encourageons plutôt la pluralité des parcours et des situations. La véritable révolution réside dans la possibilité pour chacun de définir son propre chemin, 🛣️ sans jugement ni stigmatisation. Valorisons la sororité et reconnaissons les choix individuels, car c'est ainsi que nous avancerons vers une société plus égalitaire et inclusive.
Donc je réitère, n’en déplaise à beaucoup peut-être : Vive les Mumpreneurs !