Les Mompreneurs ou la conciliation travail-famille

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Vous vous consacrez à votre vie de famille sans renoncer pour autant à votre vie active ? Mais pas en tant que salariée : en tant que cheffe d’entreprise ? À bord de votre propre navire ? Bienvenue dans ce mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur en France : les Mompreneurs. Julie Landour a dédié le sujet de sa thèse à ce phénomène. Elle a publié ensuite un ouvrage consacré à la sociologie des Mompreneurs. Parcourons ensemble ses pages.

Julie Landour : portrait d’une sociologue du travail engagée

Julie Landour est maître de conférences à l’IRISSO, l’Institut de Recherche Interdisciplinaire en sciences sociales de l’Université Paris-Dauphine. En tant que sociologue, elle s’est spécialisée dans le travail indépendant, la parentalité et la conciliation du travail et de la famille.

Elle soutient en 2015 une thèse intitulée : S’engager en parentalité et créer son activité :

l’entreprise paradoxale des Mompreneurs en France (2008-2014). En 2019, elle publie un ouvrage tiré directement de ce sujet : Sociologie des Mompreneurs. Entreprendre pour concilier travail et famille, aux éditions Septentrion, Presses universitaires.

Après les femmes en échec salarial qui enchainent les contrats et celles surmenées à des postes à responsabilité, Julie Landour se penche sur une troisième catégorie : les cheffes d’entreprise. Ce sont résolument des ambitieuses : elles ne renoncent ni à leur vie personnelle ni à leur vie professionnelle.

Les Mompreneurs se lancent le défi de concilier ces deux facettes avec brio et combativité.

Julie Landour les met en avant dans son livre Sociologie des Mompreneurs.

Analyse de l’ouvrage Sociologie des Mompreneurs

Ce livre de 183 pages résulte d’une enquête ethnographique réalisée auprès de femmes entre 2012 et 2015, vivant à Paris et dans le sud de la France. Mais pas seulement. De nombreux récits de vie viennent le ponctuer et lui donner une vraie résonance.

Profil psychologique, parcours, maternité, engagement parental, mais aussi activité, statut juridique, indépendance : toutes les recherches de Julie Landour se focalisent sur l’identité de la Mompreneur et participent à l’analyse sur la transformation profonde de l’emploi.

Entrons un peu plus dans le vif du sujet de cet ouvrage qui s’articule autour de trois grandes parties.

La création d’entreprise au féminin

Les 80 premières pages sont consacrées aux conditions d’émergence des Mompreneurs avant de dresser le portrait de ces femmes qui refusent que le travail et la vie parentale soient des entités totalement séparées.

Apparu en France à partir de 2008, ce mouvement des Mompreneurs révèle une forme de désillusion du salariat. La création en 2009 du régime de l’autoentrepreneur ne fait que le renforcer.

Résultat d’une difficile équation à résoudre jusqu’alors, vie salariée, charges domestiques, éducation des enfants, les Mompreneurs se lancent vers un idéal : la conciliation du travail et de la famille.

Il n’y a pas qu’une façon d’être mère, mais bien diverses manières. Les Mompreneurs allient deux figures genrées : la mère de famille et la cheffe d’entreprise.

L’engagement parental

Si le parcours d’entrée dans l’indépendance est inégal et si leurs activités professionnelles divergent, les Mompreneurs se regroupent toutes autour d’un leitmotiv commun : leur engagement parental. Se lancent-elles alors davantage dans une entreprise économique ou parentale ?

Vouloir mener de front travail et famille n’est-il pas un désir de performance, voire de

pouvoir ? Car elles ne créent pas seulement une activité indépendante, elles représentent une norme parentale dense, intense et exigeante.

Julie Landour consacre 42 pages à la forme de cet engagement parental contemporain

articulé avec un travail, non salarié de surcroit. Elle constate en effet que s’il est présenté de façon naturelle, il s’accomplit plus aisément chez des femmes de classes moyennes et supérieures.

D’autant plus que l’engagement n’est pas familial, il est parental et la nuance est assumée.

La notion de parentalité évoque toutes les tâches à réaliser et donc la forte disponibilité qui en découle.

Julie Landour va plus loin : et si l’enfant marquait une réhabilitation identitaire au sein d’un parcours professionnel un peu chancelant ? Et si sa réussite scolaire était un moyen de valoriser sa mère, perçue alors comme une mère performante, capable de tout mener ?

Bilan d’une entreprise plus parentale qu’économique

En 41 pages, Julie Landour dresse le bilan de ces deux entreprises. Force est de constater que si la préservation de la vie de famille anime les Mompreneurs, l’indépendance professionnelle n’est pas synonyme de réussite pour toutes.

Bien souvent, l’activité à domicile idéalisée est ternie par :

  • le poids des tâches domestiques. Maintenu chez certaines, il s’amplifie chez d’autres pour empiéter dangereusement sur le temps de travail professionnel.
  • L’intensité de l’engagement parental.

On peut se demander finalement quelle est la valeur économique de leur création

d’entreprise. Plafonnement des revenus et mauvaise protection individuelle sont inéluctables dans certaines carrières d’indépendantes placées sous le joug de l’engagement parental. Si la situation conjugale initiale permet de se lancer dans l’indépendance, qu’advient-il si le couple lâche ? Précarité ? Retour au salariat ?

Si leur entreprise parentale est inébranlable, leur entreprise économique peut donc faillir en cas de divorce. La séparation du couple met en lumière les inégalités du genre et la conciliation idéalisée des obligations parentales avec une vie professionnelle indépendante sur le long terme.

Parcours de femmes. Définition du bon parent. Quête de valorisation. Critique du salariat. Précarité de l’autoentreprise. Ce sont autant de notions abordées dans l’ouvrage de Julie Landour qui évoquent une combinaison difficile et un fragile équilibre entre un projet professionnel concret et un engagement parental. À lire sans attendre et donnez-nous votre avis !